Marguerite

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Madeleine

d’où est-ce que je viens

 

je viens d’un ailleurs

qui fait partie du pays de l’ici

 

quand j’étais très jeune

j’ai voulu quitter mon île

pour avoir une vie libre

qu’une femme

de ma génération

n’avait pas

 

ici je me sens libre et j’aime cette liberté

 

je ne peux pas dire

où je préfère vivre

je me sens autant d’ici

que de là-bas

 

j’y ai toujours beaucoup de famille

ma mère en particulier

mais je n’y ai pas de maison qui m’appartient

comme le petit cocon que je me suis fabriqué

 

ici

mon ici est devenu l’endroit où je suis

où j’ai vécu le plus longtemps

où j’ai eu mes enfants mon travail

où j’ai découvert les choses

 

la nostalgie de mon ailleurs

c’est ma vie en famille enfant

les bêtises que je faisais à l’école

les amis de mon enfance

ma nostalgie est surtout enfantine

 

je viens d’une famille divisée

par la couleur de la peau

ma mère était noire

mon père blanc

 

nous étions très nombreux dix-huit enfants

nous sommes encore cinq filles et cinq garçons

une très grande famille et cela me manque

j’ai la nostalgie dans mon sang de mes origines

du lieu d’où je viens

 

 

je crois que mon ailleurs est plus chez moi qu’ici

mon prénom m’y ramène

 

je m’appelle Marie-Madeleine

 

mais on n’utilise que le second

là-bas quand je dois remplir des documents officiels

je suis obligée

d’écrire également Marie

 

le prénom que ma mère m’a donné

 

c’est une manière de porter mon ailleurs

un endroit où les femmes s’appellent toutes

 

Marie