Marie-Louise

Je m’appelle de mon nom de « femme de », mais mon nom véritable est celui de mon origine. Les gens d’Ici n’ont jamais su l’écrire.
J’ai pris la nationalité de mon Ici en entrant à l’école, à trois ans. Aujourd’hui, je veux également reprendre celle de mon Ailleurs, mais la guerre civile détruit certains papiers.
Mon père a combattu, et je combats pour revenir vers lui, vers ce pays d’origine dont je déguste la langue, d’où je suis autant que de mon Ici. Il porte mes souvenirs d’enfance, toute ma famille, la danse, le rire, la fête.
Mon Ailleurs et mon Ici ne viennent pas s’entrechoquer. J’ai choisi la culture de l’Ici ; celle de l’Ailleurs est ancrée en moi.
Mes parents ont quitté leur pays comme dans tous les exodes : juste le nécessaire sur une charrette. Je porte leur histoire avec toutes les ruptures, les violences d’une guerre civile. Mon père faisait partie de ceux qui combattaient l’avènement de la dictature ; nous avons fêté la mort du dictateur. C’est un engagement qui m’a été transmis.
Je suis allée dans le pays de mon père, marchant là où il avait marché, le voyant petit qui courait partout.
C’est pour ça que j’ai choisi cet objet qui porte le nom de son village.
Ma mère était une femme discrète, mais elle avait du caractère. Elle nous a transmis le lien aux autres, la gentillesse, mais pas le côté « femme au foyer » malgré la culture un peu macho et orgueilleuse de mon père.
Je parle la langue de mon Ailleurs : cela me remplit, ça va, ça vient, comme un pont que je franchis, d’ici, de là.
Il fut un moment où je voulais que mes cendres soient dispersées sur la terre des villages de mon père et de ma mère. Et puis, finalement, non.