Elif

Je dis mon nom, je dis mes filles, mon mari et mon Ailleurs pour me présenter. Je n’oublie pas d’où je viens et d’où viennent mes parents. La langue me le rappelle.
Le lien familial, c’est le lieu de notre « entre-nous », l’endroit de nos origines, l’espace où nous avons nos souvenirs d’enfance et de nos vacances. De ça, j’ai la nostalgie.
Je ne suis pas totalement d’Ici, mais je ne peux pas dire non plus que je suis de mon Ailleurs. Je connais son histoire par mes lectures et par mon père, mais je connais mieux l’histoire d’Ici.
L’Ici, c’est le pays de ma naissance, c’est là où j’ai fait ma vie. C’est là où je travaille, où je mange, le pays des coutumes de mes enfants, là où je vis. Je suis un peu plus d’Ici que de là-bas.
Je transmets mon Ailleurs à mes enfants par la langue. Je dis à mes filles : « Tes parents t’apprennent la langue de leur Ailleurs ». Quand ma grande de six ans est capable de se débrouiller toute seule là-bas, d’acheter un bonbon dans une épicerie, quand elle parle avec sa grand-mère paternelle, je me dis que j’ai réussi.
Par la langue et par la cuisine aussi. Je voudrais que mes filles ne coupent les ponts ni avec mon Ailleurs, leur origine, ni avec notre Ici.
Quant à la religion, je ne suis pas là pour les obliger. Elles choisiront.
Je suis musulmane mais l’important pour moi c’est le respect mutuel des croyances de chacun : se souhaiter les fêtes, partager, c’est ça ce qui fait mon Ici. Je fais le Ramadan, les fêtes religieuses, je ne porte pas le foulard. C’est un choix.
Je ne comprends pas pourquoi on n’accepterait pas que des mamans qui portent le foulard accompagnent les sorties de l’école.