Grotesques ?

Un studio mobile, dans un parc entourant un étang, à Lognes : une octobox de 80cm dont le pied était soigneusement fixé au montant d’un barnum. Il y a avait un peu de vent, c’est toujours dangereux pour le matériel de studio. Mesure de lumière, comme d’habitude, pour équilibrer la lumière du jour et la lumière du flash. Une affiche indiquait : faites-vous tirer le portrait ! 

Les volontaires, progressivement, arrivèrent. D’abord, je prenais une belle photographie du sujet, belle posture, au loin une caravane, celle de l’événement qui m’accueillait, L’étang d’arts, une manifestation organisée par la MJC Camille Claudel de Lognes (77) et mon copain Jean-Luc Dardaine.

A la suite de cette première photographie, la personne s’approchait de moi, et je lui montrais la reproduction des « têtes de caractère » de Franz Xaver Messerschmidt (1736–1783). Malade, le sculpteur se vit refuser un poste de professeur en 1774 et se mit à sculpter son portrait, jusqu’à sa mort. 49 têtes sont encore conservées sur les 69 sculptées et nommées : Homme de mauvaise humeur, Espiègle forcé, Homme vexé, Homme qui pleure comme un enfant, Homme souffrant de constipation… toutes grimaçantes, déformant le visage, un spectacle halluciant.

J’en avais sélectionné une dizaine et j’en montrais une à la personne photographiée. Toujours la même réaction, le même rire ! « Quoi, je vais devoir faire cette grimace ! » Aucun refus, un plaisir insondable, surtout, ne pas ridiculiser la personne. C’est aussi la fonction de la belle photographie.

Et aussi, un changement d’objectif. Je passais du 100mm au 18mm, vue en plongée très proche déformant le visage ! Rire assuré là encore quand le sujet se découvrait sur le petit écran de mon appareil photographique. 75 portraits doubles, 75 moments de partage, de rire, et une exposition qui s’est tenue en octobre 2022 à la MJC Camille Claudel.

« Tu m’as montré la folie de ma mère« , m’a dit une amie psychanalyste stupéfaite du résultat, mal à l’aise, mais heureuse d’avoir participé à la chose.