Akila

Je suis Akila. Cela veut dire femme savante ou compagne de. Je préfère le premier sens. Mon père m’appelle mon ange dans la langue d’Ici.
Pour dire d’où je suis, je dis le nom de la ville capitale de mon pays d’Ailleurs. J’avais à peine 20 ans quand je suis arrivée Ici. C’était un dimanche. Je venais de me marier, un mariage de raison mais c’est moi qui ai choisi, contre l’avis de mon père, mon futur mari. Il était instruit, de bonne famille, on m’avait dit de belles choses sur lui.
Mon père a posé des conditions : je devais poursuivre mes études de styliste Ici ; un espoir, une ambition, la mode. Comme disait Aznavour : « J’me voyais déjà… ».
Je me suis trouvée enfermée dans ma vie de famille sous la coupe d’un homme violent : protéger mes enfants. Alors un jour, je suis partie avec eux. Un samedi. Le 13 octobre, mais je n’avais pas oublié mon ambition : en cachette, j’avais décroché mon diplôme.
Mon Ailleurs est passé derrière tout ça, mais au fond de moi il continue de vivre. Ce qui s’y passe, ça m’intéresse, son hymne national m’émeut. Mon Ailleurs a été longtemps un morceau d’Ici. Leurs langues se mélangent au sein même d’une phrase.
Ma mère me faisait entendre La chèvre de Monsieur Seguin, Alouette, Au clair de la lune… À mes enfants, je n’ai parlé que la langue d’Ici. On s’est imprégné du pays d’Ici, de son âme, de son esprit.
Ma culture c’est aussi ma religion. Je la pratique, tolérante. Je souhaite de tout cœur que gens d’Ici, gens d’Ailleurs, on arrive à vivre ensemble. Le pays d’Ici a besoin des gens d’Ailleurs.
Quand je mourrai, je ne veux pas encombrer le pays d’Ici. Mon pays d’Ailleurs est assez vaste pour avoir une petite place dans sa terre.