Janvier 2020. Depuis plusieurs mois, les tours d’un quartier populaire se dressaient, désossées, sur les hauteurs de la ville de Meaux. Il était possible de voir à travers, il ne restait qu’une ossature triste. Apparemment. Mais un projet de rénovation urbaine ne peut se comprendre uniquement comme la réhabilitation de lieux et d’espaces. Il impacte nécessairement les personnes, les relations sociales, les liens intersubjectifs qui se trouvent, par la force des choses, modifiés, remodelés, distendus voire détruits avec le bâtiment qui tombe.
Qu’est-ce que les habitants avaient laissé à l’intérieur de ces tours maintenant vides ? La visite, en un jour pluvieux, froid et humide, fut surprenante. Ascenseur d’abord, une cage de chantier accrochée à un mat fixé à la parois, ne pas regarder vers le bas. La surprise fut grande ; dans les entrailles ouvertes ne restait quasiment rien, juste un espace ouvert, percé de trous dont nous comprenions qu’ils contenaient déjà, pour certains l’explosif qui allait détruire l’ensemble. Pas de portes, de fenêtres, de faux plafonds ; les appartements étaient à peine repérables. Il fallait maintenant redescendre, en utilisant le chemin balisé, là où c’était encore sûr, mais changeant parfois de direction quand une trace rare apparaissait : des lambeau de papier peint enfantins ou non, des carrelages qui rappelaient l’origine, peut-être des locataires maintenant partis.
Cette série est composée de trois parties : la première comprend les photographies prises dans la carcasse. La seconde, celle de l’explosion, 15 photographies en tout, 6 par seconde, la première prise juste avant, la dernière trop tard, deux secondes à peine. Enfin, les ruines, avant qu’elles ne soient pulvérisées par des mâchoires d’acier géantes, et dans lesquelles on reconnaissait, parfois, des traces entrevues lors de la visite, quelques mois avant.
Ce projet est réalisé en collaboration avec mes amis Sébastien Souhaité et Pascal Gentil du Collectif de l’Escapade.