
Nouvelle manifestation parisienne. C’est la quatrième pour moi, zut, j’ai oublié de prendre un antidouleur, j’aurai mal ce soir !
Invalides – Place d’Italie. J’arrive par Duroc, par le sud donc, et je remonte ce qui sera l’itinéraire de la manifestation. Divers stands sont en train de se mettre en place, une foule de CRS qui donnent des indications absurdes (on ne traverse pas là ! mais tout le monde traverse là !). Certains sont tout de même sympathiques, l’ambiance est détendue. Quatre d’entre-eux sont alignés devant la place de rue « Boulevard des Invalides ». Je les photographie, ils me regardent avec un air bourru, je souris en disant que la plaque m’a fait rire : » C’est un outrage ! » me dit celui qui paraît le plus stupide ! Il porte une mitraillette, je me méfie ! J’aurais quand même pu lui dire qu’il était en face de l’entrée de l’hôpital des Invalides, ou de glorieux guerriers ont été ou sont encore soignés ! Invalide n’est pas une insulte. Idiot, dans certains cas, non plus. Je ne mets pas leur photographie, ils ne le méritent pas.
Des petits cortèges d’enseignants, d’étudiants et d’autres se sont formés sur les côtés, ils attendent de rejoindre la manifestation principale qui ne va pas tarder. Un groupe de musiciens joue de la musique joyeuse, tout est très joyeux. « Vous ne seriez pas monsieur Léon ? ». Les bras m’en tombent. D’accord, j’ai eu beaucoup d’élèves, j’ai fait beaucoup de concerts, mais quand même ! C’est Bastien qui m’a abordé, un élève que j’ai eu il y a 7 ou 8 ans. Je me souviens de lui, un frère, non deux me corrige-t-il, il a toujours une tête aussi sympathique, il l’était en classe, fin et intelligent. Nous nous écartons un peu de l’orchestre qui joue très fort ! Un soubassophone, ça fait du bruit !
« Je suis à ASSAS », me dit-il, ce qui me fait un peu réagir, zut, la fac d’extrême droite, qu’est-ce qu’il fait ici ! Il a apparemment compris ma méprise et me précise tout de suite qu’il fait partie des seuls étudiants de gauche de la fac, « c’est chaud ! » Il est courageux de le revendiquer, les petits fascistes ne sont jamais bons. Mais bon, il sera ailleurs l’an prochain, Nanterre certainement.
C’est toujours ce même plaisir de revoir d’anciens élèves et de les voir joyeux de me croiser, plus grands, matures. C’est déjà ce que j’aimais en cours de troisième, ces petits adultes en formation qui parlent tellement mieux que ce que ma génération savait faire. Bastien a encore un peu son visage d’adolescent, il entre dans l’âge adulte, sa courte barbe en témoigne. Dans quelques années, peut-être 7 ou 8, il me sera plus difficile de le reconnaître, ses traits auront changés.
Je le prends en photographie, il me donne son adresse mail, il aura les photos. D’ailleurs, il lira peut–être ces lignes.
Le cortège syndical arrive enfin, impressionnant, un service d’ordre casqué, décidé ! Et surtout, multicolore, orange, bleu, rouge, un carré de personnalités, entourées de l’ensemble des couleurs syndicales, de tous leurs drapeaux, émouvant, un sentiment de puissance collective étonnant. C’est émouvant la force collective, c’est émouvant le groupe. Pourquoi les politiques ne l’avaient-ils pas compris, ne l’avaient-ils pas voulu il y a plus d’un an maintenant ? C’était la seule solution, nous n’en serions pas là. J’ai croisé Alexis Corbière et Rachel Garrido quelques minutes avant. Une présence forte là aussi, un contact simple avec le public, de nombreuses photographies. J’ai failli aller les voir : débarrassez-vous du vieux, il est toxique, il nous fera encore perdre, c’est de la vieille politique, il n’y a pas d’autre alternative, pensez collectif…
Fin de manifestation un peu après la gare Montparnasse pour moi. Les idiots utiles de la macronie, les manipulateurs, les infiltrés, les tout ce que vous voulez ont cramé des poubelles et se sont attaqués « à un symbole du capitalisme » et la manifestation par la même occasion. J’ai quitté le cortège, essayé de dépasser le lieu des affrontements, ça bastonnait très fort. Un écossais improbable, au milieu du boulevard, marchait en jouant « Flowers of Scotland« , tournant le dos aux nombreux camions de CRS qui nous empêchaient de rejoindre la manifestation.
En haut du boulmiche, comme on disait il y a quelques années, direction la gare de l’Est, il fait beau, au loin, les bruits de grenades, de je ne sais quoi, jardin du Luxembourg,… quelle belle ville.