Monique
et Jean-Yves

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Coucher de soleil. Il a fait beau, mais il y a quelques nuages, normalement, ça devrait donner un bon résultat. J’ai longuement étudié la carte, regardé l’heure de coucher de soleil avec une application dédiée, l’inclinaison, l’ombre, le point de vue, calculé l’itinéraire, le temps de marche. Je vais aller à la pointe de Lesven, a priori, ça devrait être magnifique.

J’ai mis mon canon 5Ds sur un pied, le 35mm. Je n’ai en revanche pas voulu tenir compte de l’adage qui dit que plus tu prépares ta sortie, plus il y a de chance qu’il pleuve !

Là, pas de pluie. Au bout de la route, un chemin, carrossable, enfin, admissible mais bon, je finis par m’arrêter avant d’avoir atteint la destination espérée ; le reste se fera à pied, j’ai pris une marge conséquente. Je m’installe, c’est plutôt bien.

Attaque de fourmis ailées ! Insupportable, je ne sais pas si je me suis mis au dessus de leur nid, mais je déménage rapidement pour poser mon appareil photo quelques dizaines de mètres plus loin.

Les première photographies sont encourageantes, des  nuages provoquent de belles trainées lumineuses, le soleil est encore haut mais il n’y a pas les couleurs espérées. La brume monte, une bande de nuages épaisse apparait, c’est foutu. On peut certes « interpréter » en développant la photo, un peu de saturation jaune, pas trop, de contraste, pas trop. C’est beau, mais pas spectaculaire.

Je rentre. Un arbre attire mon attention. Il est en contreplongée, il se détache sur le ciel nuageux, mon appareil est toujours fixé sur le pied. La photographie me plait. En Couleur ? En noir et blanc ? Je verrai sur mon écran en rentrant à la maison, dans une semaine et demi.

Le chemin du retour se fait dans une demi pénombre. Au détour du dernier virage, sur le chemin de terre, au loin, des vaches ! le chemin est fermé, un troupeau d’animaux imposants avance nonchalemment ! La fermière ne me regarde pas, les vaches, curieuses, s’arrêtent. Je coupe le moteur, je sors, accueil fort sympathique ! Bonsoir ! L’accent est prononcé, la personne souriante, tout de suite. Les vaches, immenses, reprennent leur lente déambulation. Le fermier ferme la marche, il s’approche, nous nous saluons, la conversation s’engage, les vaches se désintéressent complètement de nous. Nombreuses se couchent.

Et nous parlons, longtemps, Jean-Yves, Monique et moi, de tout, de rien. Ils sont à la retraite, mais ils n’ont pas encore arrêté leurs vaches. Il leur en reste une bonne vingtaine, l’une d’entre-elles a vêlé aujourd’hui, et ils en ont eu jusqu’à 50 et plus ! Leurs vaches sont immenses, élégantes. Jean-Yves en est fier, il les sélectionne lui-même et fait même des concours. Nous parlons des paysages, je leur dis combien je suis ému de la beauté de ce que je vois depuis le début de la semaine, de la chance qu’ils ont d’habiter là, ils sourient, ils sont d’accord.

Et puis, au détour de la conversation : « j’ai fait mon service militaire à Couvron, en 1974 ! ». Couvron, juste à côté de chez moi enfant, adolescent ! Nous parlons de la Micheline, ce train rouge et jaune, qu’il prenait à Tergnier pour rentrer en Bretagne, une à deux fois par mois ! un périple ! Je lui raconte mes bêtises sur la base, avec ma mobylette, je suis un peu plus jeune que lui, du bruit des avions dans le ciel, après leur décollage sur la base aérienne. Nous n’avions pas encore l’habitude d’en voir, c’était toujours un spectacle pour nous enfants. Jean-Yves est certainement passé devant chez moi quand il venait à Laon, la grande ville du coin. Nous énumérons les lieux que nous connaissons tous les deux… nommer des territoires communs pour faire connaissance.

« Mais pourquoi n’êtes vous pas marin ? ». Cris des deux ! « Ah non ! c’est trop dur ! A vingt heures, quand je rentre, je m’assois sur le fauteuil et je les vois partir sur leurs embarcations, dans la baie de Douarnenez. Paysan, c’est dur, mais marin, c’est pire ! et je n’ai pas le pied marin ».

45 minutes à parler dans la douceur du soir, au milieu des pâtures, seuls le chat nous a écoutés.

Finalement, je l’ai eu mon coucher de soleil. On l’a regardé, par moment, pour nous dire qu’il n’était vraiment pas très beau, loin de là. Je crois, à la manière dont nous nous sommes serrés la main, que le plaisir était partagé.

Tiens ! j’ai oublié de proposer à Monique et Jean-Yves de les photographier !