Le restaurant

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À nouveau Montreuil, je vais faire chanter la classe de mon petit fils, Naïm, mon bonhomme comme je l’appelle. Souvent, je suis en avance et je m’arrête au « Babylone », un restaurant fort sympathique, ambiance bois recyclé, ferrailles soudées, musique de Jazz excellente et discrète, serveurs sympathiques et souriants, ils commencent à bien me connaître maintenant. Ils sont turcs, enfin, ils viennent de Turquie, mais vivent sans difficulté le mélange Kurde et Turc au sein des familles. Nous en avons régulièrement parlé. Souvent, quand il n’y a pas grand monde en milieu d’après-midi, ils mettent de la musique traditionnelle turque qui m’émeut profondément. 

Aujourd’hui, j’hésite, il fait beau, je finis par me mettre en terrasse, curieusement orienté vers la rue, pas la meilleure vue. Mon appareil photographique est en bandoulière. J’ai pris comme souvent un 35 mm que j’apprécie particulièrement dans la photographie de rue.

La scène qui attire mon regard se déroule à trois mètres environ devant moi. Je ne la comprends pas tout de suite, elle me bouleverse ensuite. Deux fois, trois fois déjà lors de la promenade que je ne manque pas de faire dans Paris quand je viens, j’avais été interpelé par un mendiant, une famille même, la mère poussant son fils adolescent gravement handicapé dans un fauteuil roulant, le père quémandant un triste repas… Aujourd’hui, je n’ai pas de monnaie, je m’en veux.

Mais là, pas de demande. Vite, témoigner, saisir mon appareil photographique et prendre une photographie. Contre-jour, mesure de lumière sur le mur blanc en face, le peu de ciel sera surexposé, pas grave, il y en si peu dans le cadre.

Première photographie, discrètement, l’enseigne « Chez Mère Antau » est coupée. Je ne peux pas bouger, juste opérer des mouvements discrets de mon buste pour ne pas me faire remarquer. Il me faudra quatre autres photographies pour faire entrer l’enseigne correctement dans le cadre sans perdre mon sujet principal. Apparaît alors un mot, stupéfiant, au-dessus : « Restaurant ».

Pauvre restaurant, restaurant de pauvre, celui de nos reliefs, de nos « restes » que l’on délaisse.

L’homme, barbu, a repris son chemin sans m’avoir vu, poussant un chariot rempli de misère, il avait trouvé son repas.

Témoigner.

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